Dans ses photographies à l’ambiance voilée et mystérieuse, Katarina Brunclíková réussit à tirer profit de façon originale des relations de lumière. L’attente du moment juste, qui puisse pleinement remplir sa vision, est tout aussi importante pour elle. Elle cherche à fixer l’atmosphère unique de situations soigneusement choisies, où toutes les couches s’interpénètrent de façon à ce que l’image qui en résulte soit au plus proche possible de ses intentions. Ses clichés ne sont jamais entièrement abstraits, ils ont toujours une base réelle, même si celle-ci peut parfois être indiscernable à première vue. De cette manière, l’artiste nous oblige de percevoir les objets choisis sous un autre angle, dans des contextes inattendus. Elle se plait de tirer profit des possibilités des reflets, des ombres ou de ce qui apparait en filigrane. De cette façon, la réalité est rendue floue, mais d’un autre côté, on en arrive à de surprenantes interconnexions de significations distinctes.
Notre photographe a un sens exceptionnel des compositions équilibrées, de l’interpénétration d’éléments clairement discernables de la réalité avec leurs ébauches. Une tension particulière voit ainsi le jour, suscité par des questions sans réponses qui peuvent ranimer et inspirer notre imagination. Ce faisant, il est parfaitement secondaire si l’on réussit ou pas à reconnaître les motifs d’origine, il s’agit plutôt là de relations structurelles. Katarinu Brunclíková se démarque par son attente patiente d’instants qui peuvent ne plus jamais se répéter. Elle se plait à classer ses photographies en cycles où le thème donné est développé jusqu’à son épuisement. C’est alors que s’ouvrent à elle de nouveaux horizons. Dans les cycles suivants, elle tire profit de son expérience précédente, mais dans des circonstances différentes. Le monde de ses récits n’est pas toujours distinct, il est plein de choses tues et de secrets. L’artiste ne fait que nous donner quelques indices et nous force indirectement à développer notre propre imagination, à deviner nous-mêmes ce qui se déroule sur ses photographies.
Dans son œuvre, elle touche plusieurs mouvements des beaux-arts. Par moments, elle renoue avec des tendances minimalistes – elle sait s’exprimer à l’aide de formes violemment illuminées, émergeant d’un espace ténébreux. Elle aboutit à des compositions rigoureuses faites d’éléments géométriques, mais accorde une grande place au hasard. Ailleurs, elle développe des structures changeantes, comme si elle s’inspirait du legs de l’art informel, avec sa manière de souligner un flux d’énergie incontrôlable. En regardant ces photographies inondées de lumière, nous pouvons imaginer comment la Terre vit le jour, comment naissent les planètes, comme sourd la lave d’un volcan, comment un éclair irradie le paysage ou comment une brusque aurore boréale se reflète sur des champs infinis de neige.
Ses portraits sont remarquables, où la figure humaine traverse diverses structures, où le visage se décompose et démultiplie, ou s’interpénètre avec des motifs naturels, sans que les photos ne paraissent sentimentales. La mise au flou nous permet à nouveau de nous en remettre à nos propres visions. Ses paysages eux aussi sont suggestifs, où le temps ne nous est pas laissé de percevoir et retenir les détails, mais où l’accent est mis sur l’impression d’ensemble. Dans son inspiration par les motifs urbains, l’artiste renoue, avec beaucoup de liberté, avec l’austère civilisme du Groupe 42. Car elle a une capacité semblable à rendre l’atmosphère du milieu choisi, tout comme les membres du groupe – peintres ou poètes (Gross, Hudeček, Kainar, Kolář).
Pour finir, je voudrais ajouter que Katarina Brunclíková fait montre d’une forte sensibilité picturale et qu’en même temps, elle suit toujours un thème donné et un concept à travers lequel elle franchit les limites des domaines bien définis des beaux-arts.
Jiří Machalický